Dans
ma dernière création, La parole est un miracle, la vie
aussi. N’oublie pas que tu ne vas pas mourir, les lignes verticales du texte retranscrivent les dialogues d’un film, 0rdet
(de Karl Dreyer); le scénario prend la forme d’un électrocardiogramme, qui se
laisse guider par le cours du long métrage, la longueur aléatoire des répliques
détermine la dimension de chaque ligne, le rythme s’accélérant ou ralentissant
en fonction des séquences. Entre la vie et la mort, Inger ne peut être sauvée
que par la parole, de celui qui croit sans dire amen à sa religion, de celui
qui croit par la force de son ressenti, qui accueille en son corps la parole
divine, parce qu’il s’est libéré, du poids de la vie quotidienne, de l’anodin,
des paroles prononcées machinalement, des prières répétitives, souillées, sans
foi… Á travers quel corps Dieu choisit-il de nous délivrer son message? Le
pasteur habite son vêtement comme il porterait une blouse de profession,
distribue ses phrases toutes faites comme un maître des images sans
consistance, la famille en oublie même de demander au ciel l’évidence : le
retour à la vie.
Les
mots de Johannes, le fils que l’on dit fou, scient leur quotidien, s’extraient
des phrases dites sans conviction : la parole, parce qu’elle implique tout son
être, anime son corps et sa manière de se tenir dans ce monde ; parce qu’elle
transforme sa posture, elle éclaire, guide, a le pouvoir de provoquer des
miracles, interroge.
Les portants métalliques de la sculpture se tiennent
à la verticale, dans un équilibre précaire, ils sont en état de rouille et
dialoguent avec ce texte, fin, suspendu, qui nous demande: Qu’est-ce que la foi
?
Va-t-elle mourir ?
La parole est un miracle, la vie aussi. N’oublie pas que tu ne vas pas mourir. (détails)
Papier (texte
recopié à la main à partir de la retranscription des dialogues du film de Karl
Dreyer, Ordet), barres en métal
rouillées, fil rouge et noir en coton,
scotch
2012
380 x180 x 25
cmLa voix de Jeanne vaut mieux que tous ces procès d’intention
(série «Mes héros-in»)
Papier (texte
recopié à la main – première couche : les dépositions du procès de Jeanne
d’Arc, deuxième couche : dialogues entre Jeanne et ses interrogateurs),
fil rouge et noir en coton, scotch
2012
38 x 149 x 27
cm
Avec
La voix de Jeanne vaut mieux que tous ces
procès d’intention, les dépositions des personnes qui
ont connu la sainte recouvrent la base de la sculpture, elles forment la
première couche. S’y ajoutent les interrogatoires du procès, cousus sur la première
bande. Les réponses de Jeanne, marquées au fil rouge, touchent parfois le sol,
ressemblent à des mèches de cheveux tombant en avalanche; la sculpture se
laisse guider par les longueurs aléatoires des questions et des réponses. Cette
forme indéterminée, fragmentée et faite par tous ces décrochements, traduit
aussi la liberté de l’héroïne, de cette parole, insoumise et déterminée.
Relier ma position à la tienne : Bartleby le scribe
(série «Mes héros-in»)
Papier (texte
recopié à la main, à partir du livre
d’Herman
Melville, Bartleby le scribe), fil rouge en coton, scotch
2011
40 x 85 x 30
cm
Relier ma position à la tienne : Bartleby le scribe (détails)
Rester debout : la colonne de Saint Siméon le stylite
(série «Mes héros-in»)
Papier (texte
recopié à la main à partir du livre de Hartmut
Gustav
Blersch, La colonne au carrefour du monde
–
L’ascension
de Siméon, premier stylite), fil rouge en coton, scotch
2010
40 x 110 x 40
cm
Avec la série «Mes héros-in», les textes choisis sont ceux qui s’intéressent à des personnages (historiques ou imaginaires) qui se révoltent à leur manière contre la société dans laquelle ils vivent (des indignés d’un autre temps), qui s’en détachent, se retirent du monde en amenant les autres, par leurs actions, à se poser des questions: Saint Siméon le stylite qui a vécu pendant trente-sept années au sommet d’une colonne de dix-huit mètres, sur une colline en Syrie, au Vème siècle; Bartleby le scribe, qui, dans le roman de Melville, se rend sur le lieu de son travail mais décide d’exprimer son choix quant au fait de ne pas effectuer les tâches dictées par son patron, avec une attitude non-violente et déconcertante, en répétant cette phrase, tel un leitmotiv «Je préférerais ne pas…» («I would prefer not to…» ), ou bien encore le personnage de Büchner, Woyzeck, qui s’exclut du monde qui l’entoure par son attitude particulière et sa folie qui le mènera jusqu’au meurtre de sa maîtresse.