lundi 3 décembre 2012

Série "Mes héros-in"

Dans ma dernière création, La parole est un miracle, la vie aussi. N’oublie pas que tu ne vas pas mourir, les lignes verticales du texte retranscrivent les dialogues d’un film, 0rdet (de Karl Dreyer); le scénario prend la forme d’un électrocardiogramme, qui se laisse guider par le cours du long métrage, la longueur aléatoire des répliques détermine la dimension de chaque ligne, le rythme s’accélérant ou ralentissant en fonction des séquences. Entre la vie et la mort, Inger ne peut être sauvée que par la parole, de celui qui croit sans dire amen à sa religion, de celui qui croit par la force de son ressenti, qui accueille en son corps la parole divine, parce qu’il s’est libéré, du poids de la vie quotidienne, de l’anodin, des paroles prononcées machinalement, des prières répétitives, souillées, sans foi… Á travers quel corps Dieu choisit-il de nous délivrer son message? Le pasteur habite son vêtement comme il porterait une blouse de profession, distribue ses phrases toutes faites comme un maître des images sans consistance, la famille en oublie même de demander au ciel l’évidence : le retour à la vie.
Les mots de Johannes, le fils que l’on dit fou, scient leur quotidien, s’extraient des phrases dites sans conviction : la parole, parce qu’elle implique tout son être, anime son corps et sa manière de se tenir dans ce monde ; parce qu’elle transforme sa posture, elle éclaire, guide, a le pouvoir de provoquer des miracles, interroge.
Les portants métalliques de la sculpture se tiennent à la verticale, dans un équilibre précaire, ils sont en état de rouille et dialoguent avec ce texte, fin, suspendu, qui nous demande: Qu’est-ce que la foi ?
Va-t-elle mourir ?  

 

La parole est un miracle, la vie aussi. N’oublie pas que tu ne vas pas mourir. (détails)

Papier (texte recopié à la main à partir de la retranscription des dialogues du film de Karl Dreyer, Ordet), barres en métal rouillées, fil rouge et noir  en coton, scotch
2012
380 x180 x 25 cm

 


La voix de Jeanne vaut mieux que tous ces procès d’intention

(série «Mes héros-in»)
Papier (texte recopié à la main – première couche : les dépositions du procès de Jeanne d’Arc, deuxième couche : dialogues entre Jeanne et ses interrogateurs), fil rouge et noir en coton, scotch
2012
38 x 149 x 27 cm

Avec La voix de Jeanne vaut mieux que tous ces procès d’intention, les dépositions des personnes qui ont connu la sainte recouvrent la base de la sculpture, elles forment la première couche. S’y ajoutent les interrogatoires du procès, cousus sur la première bande. Les réponses de Jeanne, marquées au fil rouge, touchent parfois le sol, ressemblent à des mèches de cheveux tombant en avalanche; la sculpture se laisse guider par les longueurs aléatoires des questions et des réponses. Cette forme indéterminée, fragmentée et faite par tous ces décrochements, traduit aussi la liberté de l’héroïne, de cette parole, insoumise et déterminée.



Relier ma position à la tienne : Bartleby le scribe

(série «Mes héros-in»)
Papier (texte recopié à la main, à partir   du livre
d’Herman Melville,  Bartleby le scribe), fil rouge en coton, scotch
2011
40 x 85 x 30 cm

Relier ma position à la tienne : Bartleby le scribe (détails)


Rester debout : la colonne de Saint Siméon le stylite

(série «Mes héros-in»)
Papier (texte recopié à la main à partir du livre de Hartmut
Gustav Blersch, La colonne au carrefour du monde –
L’ascension de Siméon, premier stylite), fil rouge en coton, scotch
2010
40 x 110 x 40 cm

Avec la série «Mes héros-in», les textes choisis sont ceux qui s’intéressent à des personnages (historiques ou imaginaires) qui se révoltent à leur manière contre la société dans laquelle ils vivent (des indignés d’un autre temps), qui s’en détachent, se retirent du monde en amenant les autres, par leurs actions, à se poser des questions: Saint Siméon le stylite qui a vécu pendant trente-sept années au sommet d’une colonne de dix-huit mètres, sur une colline en Syrie, au Vème siècle; Bartleby le scribe, qui, dans le roman de Melville, se rend sur le lieu de son travail mais décide d’exprimer son choix quant au fait de ne pas effectuer les tâches dictées par son patron, avec une attitude non-violente et déconcertante, en répétant cette phrase, tel un leitmotiv «Je préférerais ne pas…» («I would prefer not to…» ), ou bien encore le personnage de Büchner, Woyzeck, qui s’exclut du monde qui l’entoure par son attitude particulière et sa folie qui le mènera jusqu’au meurtre de sa maîtresse.

dimanche 2 décembre 2012

Série "Ce que j’éponge "


Sculpture-cocon – Ce que j’éponge

(série « Ce que j’éponge »)
Papier (textes créés à partir d’émissions radiophoniques
retranscrites « sur le vif »), fil marron, jaune, bleu et
noir en coton, scotch
2007
40 x 67 x 43 cm

Portraits de l'artiste


Portrait de l’artiste avec Mon armure pour accéder à l'immatériel

Photographie couleur
2011
50 x 65 cm
(sculpture qui fait partie de la série « Ce que j’éponge »)
115 plaquettes de pilules appartenant à  l’artiste
et classées  par année, fil rouge en coton

 

Portrait de l’artiste avec Sculpture-cocon – Ce que j’éponge

Photographie couleur
2007
50 x 65 cm

Sculpture: papier (textes créés à partir d’émissions radiophoniques

retranscrites« sur le vif »), fil marron, jaune, bleu et

noir en coton, scotch

 

 

Portrait de l’artiste avec Second Testament – La victoire de la trace

Photographie couleur
2007

50 x 65 cm

Sculpture :papier (une  partie du texte de l’Ancien Testament
recopié à la main), fil noir en coton, scotch, mannequin en métal

Ce que j’avale pour  garder la divinité de mon corps en vie  

(série « Ce que j’éponge »)
88 tickets de caisse relatant une partie des achats au
supermarché de l’artiste en 2008, sacs fabriqués à base
d’amidon biodégradable écologique, fil rouge en coton
2009
40 x 30 x 155 cm 

Ce que j’avale pour garder la divinité de mon corps en vie (détails)



Dans la série « Ce que j’éponge » montre des sculptures créées à partir d’émissions entendues à la radio ou à la télévision, retranscrites sur le vif puis retravaillées, et qui sont des témoins de ce que le corps absorbe. Elles nécessitent de se mettre dans une posture où on s’arrête, pour être dans une écoute totale et une lutte acharnée afin de retenir le flot de paroles, une parole toujours en mouvement, discontinue et imparfaite, qui nous nourrie quotidiennement. Ces créations se rapprochent formellement des amphores, elles font également référence à Diogène et rendent compte du repli sur soi (nécessaire pour se trouver et s’ouvrir aux autres ?).
Dans cette série j’ai également réalisé plusieurs sculptures avec mes tickets de caisse, qui sont les témoins de ce que je mange ; ces créations, qui changent avec le temps (certains tickets pouvant jaunir ou s’effacer partiellement), tendent à rappeler l’importance du corps et de ce qu’on avale, des molécules qui nous constituent, mais elles expriment aussi l’importance de s’intéresser à ce que l’on mange pour «garder la divinité de notre corps en vie».
La création Elles n’avalent pas que des pénis, est réalisée avec mes plaquettes de pilules (que je conserve depuis treize ans) ; elle montre le nombre impressionnant de comprimés absorbés par beaucoup de femmes; c’est une sorte de reflet de ces corps de plus en plus« médicamentés », mais aussi une dénonciation de ce qu’on nous prescrit machinalement.

 

Creuser en moi-même

Papier (textes de l’artiste recopiés à la main),
fil rouge en coton, scotch
2010
40 x 77 x 35 cm

 

Portrait de l’artiste avec  Enveloppe-moi avec le lieu de mes racines

Photographie couleur
2007
50 x 65 cm
(sculpture : 74 enveloppes - avec l’adresse de l’artiste, scotch, fil rouge en coton)

Série "Pour un amour transcendant tout "





             La sainte sueur du texte originel        

(série « Pour un amour transcendant tout »)
Papier (une  partie du texte de l’Ancien Testament
recopié à la main), fil rouge en coton, scotch, partie supérieure d’un mannequin
2007
50 x 110 x 30 cm


Premier Testament – Le moine en moi

(série « Pour un amour transcendant tout »)
Papier (une  partie du texte de l’Ancien Testament
recopié à la main), fil rouge en coton, scotch, mannequin en métal
2007
50 x 110 x 30 cm


Premier Testament – Le moine en moi (détails)


Second Testament – La victoire de la trace

(série « Pour un amour transcendant tout »)
Papier (une  partie du texte de l’Ancien Testament
recopié à la main), fil noir en coton, scotch, mannequin en métal
2007
50 x 115 x 30 cm

J’ai commencé par m’interroger sur la distance que l’on parcourait en lisant le roman de Georges Bataille, Histoire de l’œil. J’ai découpé le livre, ligne par ligne, j’ai noué chaque fragment avec des nœuds rouges. J’ai enroulé ces cent trente-deux mètres autour de mon corps, je me suis emmaillotée; je l’ai porté telle une enveloppe, une enveloppe de mots obscènes qui cherchent à atteindre une certaine transcendance, pour toucher autrement au mysticisme. J’ai mis cette seconde peau sur un mannequin, je l’ai allongé: il ressemblait à une relique, une relique de mon propre corps ?

Pour m’imprégner davantage du texte, me fondre avec la démarche spirituelle des scribes ou des moines copistes, j’ai décidé de recopier des livres à la main, parfois ce sont mes propres textes; j’ai redonné une empreinte charnelle à l’écriture, une certaine sensualité, en réaffirmant la primauté de la matérialité, trop fragilisée.

J’ai conservé le système des bandelettes morcelées et nouées, de cette ligne qui s’enroule telle une spirale, pour former une « cathédrale de mots »,à l’image de la sculpture Premier Testament: le moine en moi; elle exprime l’importance du retour au texte et à la source, le souhait de supprimer les intermédiaires pour puiser dans le texte d’une manière plus directe et plus profonde. Les sculptures créées à partir de la Bibleainsi que Momie-moi avec cent trente-deux mètres de Bataille font partie de la série «Pour un amour transcendant tout».

À une certaine distance, ces créations ressemblent tour à tour à des robes blanches ou des manteaux, à des doubles fantomatiques – aux formes épurées, parfois déstructurées, ou à des sculptures monolithiques, telles des pierres dressées d’un autre temps. Lorsqu’on se rapproche, l’écriture, les nœuds rouges et noirs scandant les phrases, la visibilité des bandelettes et le travail obsessionnel montrent et nous disent autre chose, nous donnent d’autres clés de lecture.


 

Portrait de l’artiste sur le lieu de ses racines avec Premier Testament – Le moine en moi

Photographie couleur
2007
50 x 70 cm
Sculpture: Papier (une partie du texte de l’Ancien Testament
recopié à la main), fil rouge en coton, scotch, mannequin en métal

Portrait de l’artiste sur le lieu de ses racines avec Premier Testament – Le moine en moi

Photographie couleur
2007
50 x 70 cm
Sculpture: Papier (unepartie du texte de l’Ancien Testament

recopié à la main), fil rouge en coton, scotch, mannequin en métal
                               

Gravures monotypes

 
 
  
 
 
 

Du 30 septembre 2011 au 30 septembre 2012 : Exposition collective «Dentelle de papier» dans la collection permanente de La Cité Internationale de la Dentelle et de la Mode à Calais.

  
 

Second Testament – La victoire de la trace

(série « Pour un amour transcendant tout »)
Papier (une  partie du texte de l’Ancien Testament
recopié à la main), fil noir en coton, scotch, mannequin en métal
2007
50 x 115 x 30 cm

Relier ma position à la tienne : Bartleby le scribe

(série «Mes héros-in»)
Papier (texte recopié à la main, à partir   du livre
d’Herman Melville,  Bartleby le scribe), fil rouge en coton, scotch
2011
40 x 85 x 30 cm




Du 11 mai au 8 juillet 2012 : Exposition collective «Les utopies pessimistes » à l’Espace Le Carré à Lille. Commissariat: Perlinpinpin.

Fragments complets avant de disparaître : le cri de Woyzeck

(série «Mes héros-in»)
Papier (texte recopié à la main à partir du livre de
Georg Büchner, Woyzeck – Fragments complets), fil rouge en coton, scotch,  mannequin en métal
2012
60 x130 x 50 cm
et

Rester debout : la colonne de Saint Siméon le stylite

(série «Mes héros-in»)
Papier (texte recopié à la main à partir du livre de Hartmut
Gustav Blersch, La colonne au carrefour du monde –
L’ascension de Siméon, premier stylite), fil rouge en coton, scotch
2010
40 x 110 x 40 cm
 

Du 2 juillet au 4 septembre 2011: Exposition personnelle «Ariane et la ligne monolithe» à La Piscine de Roubaix – Musée d’art et d’industrie André Diligent. Commissariat: Sylvette Botella-Gaudichon.












  

Du 8 au 21 mai 2011: Exposition personnelle «Ariane et la ligne monolithe» à la PPGM de Roubaix – La plus petite galerie du monde (ou presque) de Luc Hossepied.



  

Rester debout : la colonne de Saint Siméon le stylite

(série «Mes héros-in»)
Papier (texte recopié à la main à partir du livre de Hartmut
Gustav Blersch, La colonne au carrefour du monde –
L’ascension de Siméon, premier stylite), fil rouge en coton, scotch
2010
40 x 110 x 40 cm




 Performance réalisée lors du vernissage à la PPGM
(avec François Pelletier)




L’art devrait être l’incarnation d’une posture,
l’affirmation d’une position en réaction contre notre société,
refléter une autre manière de vivre, proposer un autre modèle ;
sans cette prétention intellectuelle il n’est qu’un produit parmi les autres, un générateur d’objets pour consommateurs fortunés.
L’esthétique du jouet dans l’art contemporain,
la tendance manga et tout ce qui épouse la mode permet certes de faire briller Versailles… Mais où est la magie, le mystère, l’ensorcellement de l’art ?
Serait-ce le système qui dicterait les lois de l’esthétique ?
Je suis sur la corde raide,
la fragilité de mes créations se régale de ce manque de certitude,
de cette recherche empirique jamais rassasiée,
toujours en décalage…
J’ai tué l’image, trouvé la beauté,
banni le kitsch pour revenir à une certaine sobriété poétique.
J’ai supprimé la représentation mais pas la noblesse du sujet ;
Mes créations sont une ode à la lenteur,
à un métier perdu : celui de copiste.
Ces morceaux de textes noués au fil rouge constituent une ligne interminable, cette ligne crée une forme, qui souvent se rapproche de l’enveloppe corporelle, parfois du monolithe.
Peut-on lier les deux?
J’ai dépassé le second degré, si rassurant,
je me suis réfugiée dans le premier,
dans l’authenticité et le jusqu’auboutisme d’une démarche pour retrouver l’aura perdue de nos racines intestines.
Mes sculptures sont devenues des stèles,
des textes réincarnés ; les corps ont été bandés, emmaillotés, sauvés par cette écriture ?

B.Roffidal